La « Vitrine Contemporaine » du Musée de la Mémoire est iL’oeuvre

Le projet de Joëlle Tuerlinckx découle d’une recherche effectuée sur le contexte social, économique, humain de la ville de Cransac au cours de plusieurs séjours de résidences sur place. Le projet et la conception de l’oeuvre se sont nourris des rencontres avec les habitants, de découvertes architecturales, géologiques, botaniques, mémorisées sous forme de notes, dessins, maquettes, d’enregistrements sonores et visuels.

Le titre rend hommage à un article* de Jean Jaurès, où l’homme politique parle de « propriété universelle » en ces termes :

L’éducation universelle, le suffrage universel, la propriété universelle, voilà, si je puis dire, le vrai postulat de l’individu humain (…). L’humanité elle-même n’a pas une sorte de valeur mystique et transcendante. Sa richesse est faite de toutes les énergies individuelles. Elle n’a pas le droit de se désintéresser du nombre et de manifester son excellence seulement en quelques élus. Elle n’est pas une beauté idéale, se contemplant au miroir de quelques âmes privilégiées. Elle ne vaut pour l’individu humain que dans la mesure où il participe lui-même à la liberté, à la science et à la joie.

En empruntant la terminologie de Jean-Jaurès, l’oeuvre, décrétée comme « Propriété Universelle », renvoie à des valeurs universelles et fait appel aux mémoires individuelles.

Le Monument Mémoire

Érigé le 15 octobre 2011 sur l’ancien carreau de la mine (0°), concession de Cransac, le Monument-Mémoire est constitué d’un mât de 34,245 mètres de hauteur, établi au 1/10e de la profondeur du puits n°1 foncé en 1884, démantelé et remblayé en 1962. Il pointe, telle une aiguille géante plantée sur une carte, le lieu principal de l’activité minière, à la croisée des bâtiments historiques, aujourd’hui disparus.

La vitrine contemporaine

La « Vitrine Contemporaine » du Musée de la Mémoire est i

Installée dans les anciennes écuries de la gendarmerie, près de l’actuelle mairie, la « Vitrine Contemporaine » du Musée de la Mémoire estun espace d’exposition et de contemplation, il est à voir de l’extérieur et à visiter de l’intérieur. Depuis l’intérieur, Joëlle Tuerlinckx invite à regarder Cransac comme un paysage de carte postale et à écouter les archives. « La Totale Cransacoise », constituée d’enregistrements de récits d’anciens mineurs, d’habitants, de moments de la vie cransacoise.

La vitrine historique et le coffrage muséoscopique

Le troisième pôle ou « Vitrine historique », se situe au coeur de l’actuel musée « Les mémoires de Cransac », créé par l’association « Les amis de Cransac ». Elle ressemble les archives que l’artiste a réuni pendant le temps de sa recherche, constituées d’objets, documents, maquettes

La Triangulaire de Cransac fait partie du circuit « Art dans l’espace public en Aveyron ». Ainsi, sept oeuvres issues de la commande publique et privée ponctuent le paysage culturel de l’Aveyron : Eglise Notre-Dame de Decazeville avec le Chemin de Croix de Gustave Moreau, Abbatiale de Conques avec les vitraux de Pierre Soulages, Musée Denys Puech de Rodez avec les intégrations de François Morellet et sculptures d’Aurèle, Eglise Notre-Dame d’Aubin avec les vitraux de Daniel Coulet, Cathédrale de Rodez avec les vitraux de Stéphane Belzère, Triangulaire de Cransac avec l’oeuvre de Joëlle Tuerlinckx.

Contexte

Cransac, entre Thermalisme et Passé minier

Les grandes étapes de l’histoire de Cransac peuvent être retracées à travers le changement de nom de la ville. Connue jusqu’à la fin du XIXe siècle comme Cransac-les-Eaux, la commune devient, au moment de l’industrialisation et de l’implantation des mines, Cransac-les-Mines, pour ensuite prendre le nom de Cransac-les-Thermes dès l’arrêt de l’activité minière.

L’exploitation des eaux curatives connaît son apogée dans la première moitié du XIXe siècle. Grâce aux sources et à un sous-sol riche en gaz naturels chauds, les eaux de Cransac étaient réputées pour leur vertus curatives.

Avec la révolution industrielle, l’ouverture de la première mine de charbon moderne bouleverse radicalement le paysage, les habitudes et le visage de la ville, intéressée par un essor démographique et économique important. En 50 ans, le nombre d’habitants passe de 500 à 7 000 et une trentaine de puits d’exploitation sont creusés sur le territoire de la commune.

L’exploitation du charbon continue pendant un siècle, puis, en 1962, Cransac est la première mine de France à fermer.

Au cours de la dépression économique qui accompagne la fermeture des mines et la reconversion industrielle, la conservation de l’important patrimoine minier n’apparaît pas comme une priorité. En effaçant les restes des activités industrielles, une inévitable crise identitaire suit et, simultanément, la question de la prise en compte de la mémoire.

Aujourd’hui, Cransac est devenu un centre de thermalisme, grâce à l’exploitation des gaz issus d’une combustion souterraine naturelle, réputés pour soigner les rhumatismes.

C’est à partir de ce contexte que la commune, avec le Conseil Architecture Urbanisme et Environnement (CAUE) a décidé, en 2006, de confier à un artiste la réalisation d ‘une oeuvre qui prenne en compte tant la mémoire collective que la réflexion menée sur l’espace public.

La triangulaire de Cransac :  une commande publique

La procédure de la commande publique artistique est à l’origine d’un patrimoine artistique dont la caractéristique majeure est d’être le fruit d’un processus créatif : une commande n’existe pas ex nihilo. Elle répond le plus souvent à un cahier des charges exprimé par le commanditaire, en l’occurrence la commune de Cransac.

Cette commande publique d’une oeuvre contemporaine a été initiée avec la Fondation de France dans le cadre de l’action Nouveaux Commanditaires : cette phase a permis d’en préciser les enjeux et de dépasser l’intention commémorative. Elle a ensuite été nourrie et partagée avec le Ministère de la culture et de la communication (Drac). Elle prend en compte la réflexion menée par la commune sur l’espace public et sur son devenir dans sa dimension urbanistique, paysagère et économique. Elle porte sur la valorisation de l’histoire industrielle et du passé minier tout en questionnant le « renouveau lié à l’activité thermale ».

Portrait de l’artiste Joëlle Tuerlinckx

La démarche de Joëlle Tuerlinckx se base sur l’observation des différents contextes dans lesquels elle est appelée à opérer. Son attention aiguë se concentre sur les détails, parfois infimes, qu’elle restitue dans des formes de présentation proches de l’archive, à première vue scientifiquement rigoureuses. Un aspect fondamental de sa recherche est le langage et la parole écrite.

Héritière revendiquée des processus du minimalisme, l’artiste réalise des oeuvres qui vont faire partie d’un système, souvent nées pour être re-questionnées dans des projets ultérieurs. Le temps joue un rôle fondamental dans son travail complexe et multiforme, fondé sur une esthétique du peu.

Joëlle Tuerlinckx travaille avec différents supports (papiers, surfaces architecturales, films photosensibles, bandes magnétiques…), pour réaliser des installations qui ne se laissent pas définir à travers une catégorie artistique univoque.

Dès 1994, Joëlle Tuerlinckx a participé à diverses expositions collectives internationales importantes, comme « Inside the Visible » (Boston/Washington/Londres/Australie, 1996-1997), « NowHere » au Louisiana Museum (Humlebaek, Danemark, 1996), « Lost in Space » au Kunstmuseum Luzern (Lucerne, Suisse, 1997), « Manifesta 3 et 10 » (Ljubljana, Slovénie, 2000, Saint-Petersbourg, 2014), « Sculpture/Triple Base » au Henry Moore Institute (Leeds, Royaume-Uni, 2002), à la « Documenta 11 » (Kassel, Allemagne, 2002) où elle occupait une place centrale dans le Fridericianum Museum ainsi qu’à la Biennale de Busan (Corée, 2004), au Museo Reina Sofia et au Palacio de Cristal (Madrid, 2009). En septembre 2012 une exposition au Wiels à Bruxelles a eu lieu, reprise ensuite par la Haus der Kunst à Munich puis par le Museu Fundação Serralves à Porto (2013).

Plusieurs curateurs et artistes renommés l’ont invitée : Harald Szeemann (« Visionair België/Belgique Visionnaire », Bozar, Bruxelles, 2005), Catherine De Zegher (« Inside the Visible » et « Freeing the Line » à la Marian Goodman Gallery, New York, 2006), Luc Tuymans et Ai Weiwei (« The State of Things », Bozar, Bruxelles, 2009). Deux de ses livres d’artiste, Bild, oder (2006) et Study book (2007), ont obtenu des prix internationaux.

 

Source : dossier de presse

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